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Louis LAURENT, Directeur recherche et veille de l’ANSES, présente au Réseau PROSPER les travaux méthodologiques menés dans le cadre de l’ "Atelier R31"

La réunion plénière du Réseau PROSPER du 27 mai 2015 a été l'occasion d'inviter Louis LAURENT, Directeur recherche et veille de l’ANSES, à présenter la recherche méthodologique pilotée par l’ANSES, et visant à étudier le couplage entre veille et prospective dans le but de mieux appréhender la question des risques sanitaires du futur. Un résumé de cette intervention est retranscrit ici.

 

L’ « atelier R31 » mis en place par l’ANSES est le lieu d’une recherche méthodologique sur la manière de conjuguer veille et prospective, dans le but de mieux appréhender la question des risques sanitaires du futur. On vise donc le développement d’outils ou de méthodes qui améliorent l’efficacité des systèmes de veille ou d’alerte. Plus précisément, le périmètre de cet exercice est l'« Impact sanitaire sur la population dû au développement de technologies vertes ». L’horizon temporel prospectif, défini pour cet atelier, est de 20 ans.

Après une période de cadrage, l’atelier « veille prospective » a débuté le 20 novembre 2013. Le travail s’est déroulé au rythme d’environ une réunion par mois. L’atelier était mené par une quinzaine de personnes issues de 10 établissements. Un second cercle composé d’une dizaine de personnes a apporté son aide. Ce second cercle inclut en particulier des membres du groupe de travail « Sciences humaines, sociales et économiques » de l’Anses.

Premier volet du travail : l’exercice de prospective

Cet exercice a été conduit selon la méthode des scénarios. Au départ, on a identifié des variables qui peuvent influencer le futur. Seize variables ont été choisies. Pour chacune de ces variables, une analyse des tendances récentes a été faite ainsi que l’identification de phénomènes émergents et de ruptures possibles, conduisant à la formulation de trois à quatre hypothèses par variable. Ces variables ont été rassemblées en trois composantes : la première, « expositions », regroupe celles ayant un lien avec l’exposition des populations, la seconde, « produits et procédés » porte sur les biens de consommation et de manière générale l’évolution des techniques, la dernière contient les variables décrivant le contexte. La construction de scénarios s’est ensuite faite en deux temps. Dans un premier temps, des micro-scénarios ont été assemblés à partir des variables de chacune des composantes. Puis ces micro-scénarios ont été utilisés pour construire cinq scénarios fournissant autant de cadres de référence pour stimuler la réflexion sur les risques sanitaires : « Priorité sans limites à la croissance », « Technologies vertes et libéralisme », « Sobriété et faible intensité technologique », « De l’impasse technologique au morcellement social », enfin « Transition écologique orchestrée par l’Etat ». A chacun de ces scénarios, on peut associer une typologie de risque sanitaire.

Second volet du travail : l’action de veille

Une action de veille, dans le périmètre de l’exercice de prospective, a été menée en parallèle. Plus précisément, la collecte des éléments de veille s’est faite durant la phase de rédaction des fiches variables, indépendamment de l’exercice de prospective, sans toutefois que des précautions aient été prises pour éviter que les auteurs de fiches variables en aient connaissance. Il est à noter toutefois que les éléments de veille utilisés pour rédiger une fiche variable sont en général très orientés sur cette variable. Par contre, lorsqu’on collecte des éléments de veille en dehors du cadre strict de la rédaction d’une fiche variable, certains peuvent être plus globaux et mettre en évidence des aspects plus systémiques.

 

Un peu plus de 700 « éléments » ont été rassemblés, regroupés ensuite pour en faciliter la gestion à partir d’un cadre structurant comme celui offert par la décomposition en fiches variables et composantes.

Troisième volet du travail : le couplage entre veille et prospective

La première question qui a été traitée par le groupe est celle du niveau auquel il faut lier les éléments de veille et la prospective : la fiche variable ? Le micro scénarios ? Le scénario ? De manière générale, plus on fait l’association au niveau bas (variable) plus on est précis et à l’abri d’ambiguïté (hypothèse de variable dans plusieurs micro-scénarios, micro-scénario dans plusieurs scénarios). Par contre plus on fait l’association au niveau haut plus on appréhende d’éventuels effets systémiques (des éléments de veille à l’interface de plusieurs variables) et moins on est prisonnier du cadre des variables. Dans la suite, les exercices pratiqués ont tous porté sur le niveau intermédiaire, les liens entre veille et micro-scénarios.

Une question importante de méthodologie est la reproductibilité d’une association entre élément de veille et un micro-scénario, notamment de personne à personne. Dès les premiers essais, il est apparu que les avis pouvaient diverger. C’est pourquoi une séance de travail a été consacrée à ce point. Même s’il ne s’agit que d’une expérience menée sur un nombre assez réduit de cas – à confirmer sur des échantillons plus significatifs –, on a pu constater que l’accord entre les différents participants était très moyen. Le résultat ne semble dépendre ni du jeu de variable ni des binômes.

Deux actions complémentaires ont été menées pour essayer de comprendre l’origine de ce taux d’accord médiocre, conduisant aux conclusions suivantes sur les causes de divergences :

 

  • Une vision différente des techniques/procédés. Une technique en cours de déploiement peut être suivant la personne interrogée « rustique » ou « high tech », « durable » ou « polluantes ».
  • Des tendances à extrapoler différentes. Certains éléments de veille peuvent être interprétés « au premier degré » (et alors être jugés inclassables) ou alors faire travailler l’imagination autour du thème « que se passerait-il, si ... ».
  • Une double lecture d’une dénonciation. Une partie significative des éléments de veille consiste en des dénonciations de tendance actuelle. Suivant le texte et aussi les a priori du lecteur, cet élément de veille peut être compris comme annonciateur de la tendance dénoncée, soit comme le signe que les protestations vont y mettre fin.
  • Des ambigüités. Parfois sur certains aspects, les micro-scénarios sont proches ou les éléments de veille contiennent plusieurs idées qui les rendent ambigus. Le résultat dépend de la phrase qui attire le plus l’attention du votant.

 

La conclusion qui se dégage de ce travail est que la veille prospective ne peut se résumer à une mécanique bien huilée pour classer des éléments de veille dans un cadre fourni par la prospective. C’est plutôt la diversité des interprétations et des extrapolations qui fait la plus-value d’un travail de veille collectif. La construction d’une représentation partagée des futurs possibles, ou la construction d’une culture prospective commune via un exercice de prospective ne réduit peut-être pas les divergences d’interprétations des éléments de veille, mais donne les cadres qui permettent de construire une discussion collective argumentée et féconde (« future oriented ») sur ces ambiguïtés.