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Le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein ouvre le chantier de réflexion du Réseau PROSPER sur "le métier de chercheur en 2030"

En ouverture des travaux du groupe inter-organismes de jeunes chercheurs, mis en place par le Réseau PROSPER sur la thématique "le métier de chercheur en 2030", Etienne KLEIN a été invité le 25 juin 2014 à mettre en perspective historique et philosophique l’évolution du rapport de la société à la science et au métier de chercheur. L'essentiel de ses propos est retranscrit ici

 

Un métier de chercheur transformé en une génération

En une génération, le métier de chercheur s’est complètement transformé. Dans les années 80, le chercheur avait une intense activité solitaire, le soir il était épuisé par excès de concentration. Mais le financement qui lui était assuré lui donnait une grande tranquillité d’esprit. Aujourd’hui le chercheur est épuisé par manque de concentration : constamment dérangé, interrompu, confronté à des demandes paradoxales, en recherche permanente de financement… Le temps passé à faire réellement de la recherche est devenu très faible. On peut dire qu’aujourd’hui le chercheur cherche à chercher !

Aurait-on pu prévoir, dans les années 80, comment le métier de chercheur allait évoluer ? A cette époque, on passait peu de temps, dans les laboratoires, à « configurer le futur ». Il y avait bien quelques physiciens, comme Leó Szilárd au début du siècle dernier, qui savaient se projeter dans le futur.

Leó Szilárd était connu pour ses dons de prémonition. Dans les années 30, il déposait avec Albert Einstein des brevets sur les réfrigérateurs à induction. C’est lui qui écrivit la lettre au président Roosevelt, lettre signée par Einstein, disant que les Allemands étaient en train de travailler à la bombe atomique, et qu’il serait temps que les Américains s’occupent de ce sujet. Leó Szilárd vivait à l’hôtel, avec une valise toujours prête pour prendre le train au bon moment. On raconte qu’il avait prévu la bombe atomique en 1933, étant arrêté à un feu rouge en Angleterre. Or en 1933 on ne faisait que découvrir le neutron, on n’avait aucune idée de ce qu’est la fission, personne n’y pensait, mais lui avait eu l’idée d’une réaction en chaîne et en parlait dans une lettre.

Après la seconde guerre mondiale, qui vit l’usage de la bombe atomique, Leó Szilárd écrivit en 1961 un livre intitulé « The voice of the dolphins », dans lequel il imaginait comment s’y prendraient des gouvernements pacifistes, pour empêcher des chercheurs de chercher. Il proposait alors de créer une agence de financement des projets, développant la rivalité entre les équipes, cassant la solidarité entre les chercheurs par la compétition…


De l’accélération à l’emballement du moteur du changement

Aujourd’hui, une évolution majeure du métier de chercheur provient du développement des nouvelles technologies. On est pris dans une nouvelle urgence, qui a de bons côtés mais aussi des effets pervers. Un exemple en est donné par l’annonce prématurée, en mars 2014, de la polarisation du fond cosmologique, suite à une expérience menée par une équipe américaine grâce à un radiotélescope installé au pôle sud. En fait, la mesure n’était faite que sur 1% du ciel, et la critique des pairs s’est rapidement focalisée sur la confusion possible avec un effet de poussières dû à la pollution locale. Mais pour l’équipe en question le résultat était atteint : elle s’était fait connaître. Ainsi, on est dans une logique où annoncer un faux résultat s’avère plus valorisant que de s’en tenir à ce qu’on a réellement trouvé.

Cette accélération permise par les nouvelles technologies fait que nous vivons aujourd’hui dans une situation de trop plein : il nous arrive toutes sortes d’objets que nous n’avons jamais désirés. Or dans l’idée de progrès, il y a quand même l’idée qu’un jour, on pourra se reposer. C’est d’ailleurs pour cela que l’Eglise catholique avait condamné les Lumières, qui promettaient le repos sur terre.      [lire la suite (document pdf) ]